LE FROMAGE
A
Roquefort [ʁɔkfɔːʁ] ou ròcafòrt en occitan rouergat est une appellation fromagère française désignant un fromage à pâte persillée élaborée exclusivement avec des laits crus de brebis. En 1925, en France, ce fut la première appellation d'origine (AO) reconnue et faisant l'objet d'une protection particulière. Elle bénéficie aujourd'hui, depuis 1979, d'une appellation d'origine contrôlée (AOC) et, depuis 1996, d'une appellation d'origine protégée (AOP)1.
Ce fromage qui date au moins du XIe siècle, date de sa première mention écrite2, en fait un symbole historique de la région des causses et vallées de l'Aveyron. Cette région rurale établie sur un terroir parfois très difficile à exploiter en a fait sa richesse financière et culturelle.
De réputation internationale, il est associé à l'excellence de l'agriculture française et à sa gastronomie. Il est même devenu l'emblème de la résistance des producteurs de fromage au lait cru contre les demandes réitérées de la généralisation de la pasteurisation du lait. Il existe aujourd'hui sous forme industrielle et laitière, sa forme fermière ayant quasiment disparu au tout début du XXe siècle (le dernier fromager artisanal Carles représente moins de 1% de la production).
B
LA LEGENDE
Rien ne permet de dater avec certitude l'origine historique du roquefort, mais une légende en raconte la création accidentelle, en faisant un exemple de découverte par sérendipité.
Un berger de jadis, préférant courir les femmes plutôt que de s'occuper de ses brebis, aurait, en partant à la poursuite d'une belle, oublié dans une grotte son casse-croûte composé de pain et de caillé de brebis. N'ayant pu retrouver celle qu'il cherchait, il retourna dans la grotte quelque temps plus tard et retrouva son morceau de pain : le penicillium roqueforti avait fait son œuvre, transformant le fromage en roquefort3…
ANTIQUITE
Le peuplement de la région est très ancien. Les Rutènes sont arrivés dans la région au VIIIe siècle av. J.-C.4. La Graufesenque existe depuis le Ier siècle av. J.-C..
La tradition fromagère date aussi probablement de cette époque. Pline l'Ancien célébrait les fromages gaulois et relève l'importance du pâturage sur la qualité du lait5. Il a aussi parlé des fromages du mont Lozère et du Gévaudan6.
Il se dit, sans pouvoir le prouver que Jules César lui-même aurait beaucoup apprécié un bleu dégusté à Saint-Affrique, à une quinzaine de kilomètres de Roquefort.
C
MOYEN-AGE
D
Charlemagne aurait goûté le fameux fromage persillé lors d'une chevauchée qui le ramenait d'Espagne. L'évêque d'Albi lui aurait servi du fromage persillé6, était-ce déjà du roquefort ?
« L'empereur, dans un de ses voyages, descendit à l'improviste et sans être attendu chez un évêque. C'était un vendredi. Le prélat n'avait point de poisson ; et il n'osait d'ailleurs, à cause de l'abstinence du jour, faire servir de la viande au prince. Il lui présenta donc ce qu'il avait chez lui, de la graisse et du fromage. Charles mangea du fromage ; mais, prenant les taches du persillé pour de la pourriture, il avait soin auparavant de les enlever avec la pointe de son couteau. L'évêque, qui était debout auprès de la table, ainsi que, la suite du prince, prit la liberté de lui représenter que ce qu'il jetait était le meilleur du fromage. Charles goûta donc du persillé ; il trouva que son hôte avait raison, et le chargea même de lui envoyer, tous les ans, à Aix-la-Chapelle deux caisses de fromages pareils. Celui-ci répondit qu'il était bien en son pouvoir d'envoyer des fromages ; mais qu'il ne l'était pas d'en envoyer de persillés, parce que ce n'est qu'en les ouvrant qu'on peut s'assurer si le marchand n'a point trompé. Eh bien, dit l'Empereur, avant de les faire partir, coupez-les par le milieu ; il vous sera aisé de voir s'ils sont tels que je le désire. Vous n'aurez plus ensuite qu'à rapprocher les deux moitiés, en les assujettissant avec une cheville de bois ; puis vous mettrez le tout en caisse. »
— Notker le Bègue
Le premier témoignage écrit date du XIe siècle. Une donation au monastère de l’abbatiale Sainte-Foy de Conques l’an 1070 spécifiait entre autres, deux fromages à fournir par cave de Roquefort2.
Au XVe siècle, le roi Charles VI, amateur de ce fromage octroie au bourg de Roquefort-sur-Soulzon l'exclusivité de l'affinage du fromage (monopole du 4 juin 14117) et fait des caves un lieu protégé8. Son fils Charles VII confirme l'exclusivité et décrit les lieux en ces termes : « ce terroir où rien ne pousse, ni pied de vigne, ni grain de blé. »2
E
PERIODE MODERNE
Diverses chartes royales confirment le monopole accordé par Charles VI, les habitants de Roquefort ayant divers privilèges de juridiction, franchises et droits d’asile. Plusieurs arrêtés de la cour du parlement de Toulouse protègent le fromage contre les imitations, comme celui de 1666 qui punit les faussaires qui usurpent le nom de roquefort8.
Diderot le qualifie de « roi des fromages »8.
PERIODE CONTEMPORAINE
La reconnaissance du roquefort croît au XIXe siècle ; des ambassadeurs et consuls américains déclarent que ce fromage participe comme le champagne au renom de la France aux États-Unis.
Au XXe siècle, en 1925, « roquefort » se voit protégé administrativement par la reconnaissance de son appellation d'origine. En 1996, c'est la reconnaissance européenne avec l'AOP. Le dernier décret en cours de validité a été signé en 20019.
LE TERROIR
DECRET DE 1987
Le décret du 1er janvier 1987 définissait une aire très grande : la totalité des départements des Alpes-Maritimes, Aude, Aveyron, Bouches-du-Rhône, Corse-du-Sud, Haute-Corse, Gard, Gers, Gironde, Hérault, Lot-et-Garonne, Lozère, Pyrénées-Atlantiques, Tarn, Tarn-et-Garonne et Var, ainsi qu'une fraction des départements suivants : Alpes-de-Haute-Provence, Dordogne, Haute-Garonne, Landes et Lot10.
AIRE D'APPELLATION
La zone de collecte des laits est limitée aux fermes situées dans un territoire d'un rayon de 100 km environ autour du bourg de Roquefort-sur-Soulzon à proximité de la ville de Saint-Affrique dans l'Aveyron. Ce terroir comprend tout ou partie des départements de la Lozère, de l'Aveyron, du Tarn, de l'Aude, de l'Hérault et du Gard.
LA PRODUCTION DE LAIT
LA BREBIS LACAUNE
F
Le lait de brebis provient exclusivement de la race Lacaune, une race blanche, mais le décret d'appellation tolère les brebis noires qui ont le type racial de la lacaune9. Cette race a été créée en 1942 par la fusion de races régionales comme la caussenarde, la camarès ou la lauragaise. Race rustique, elle a été hautement sélectionnée pour donner plus de lait, mais jamais sa rusticité n'a été abandonnée du travail de sélection. Elle s'est adaptée aux conditions climatiques rigoureuses, marquées par des variations brutales de température.
Une seconde sélection a créé une population de moutons lacaune de viande, à la conformation de carcasse bien adaptée au marché des agneaux. Cette sous-race est destinée à la vente de bélier. Ainsi, les producteurs de lait pour roquefort peuvent produire du lait tout en valorisant au mieux la vente des jeunes.
L'ELEVAGE OVIN LAITIER
L'alimentation des brebis à la bergerie peut être à base d'herbe fraîche, de fourrage et de céréales, dont au moins 75 % doit provenir de l'aire d'appellation, selon le texte du décret d'appellation9. Avec l'accord de l'INAO, une dérogation à l'article du décret relatif à l'alimentation des brebis peut être octroyée en cas de force majeure : sécheresse, aléa climatique… Un complément azoté peut être ajouté à la ration. (protéagineux) Le pâturage est obligatoire et quotidien pendant la saison où l'herbe est verte si le temps le permet. L'élevage hors sol ou en stabulation permanente est interdit9.
Des discussions ont été entamées au sein des représentants de l'appellation, concernant la définition du fourrage : herbe séchée ou fourrage fermenté ? (ensilage d'herbe ou enrubanné (semi-ensilage)). Certains producteurs prennent en exemple ceux du fromage laguiole pour refuser de donner des produits fermentés. Les industriels appuient cette demande en raison de la meilleure qualité microbiologique du lait. Cependant, les investissements nécessaires pour produire du foin de qualité et supprimer les fourrages fermentés font hésiter nombre de producteurs ; ils continuent de distribuer des aliments ensilés ou enrubannés11.
La traite a lieu deux fois par jour. Le lait ne peut être stocké plus de 24 heures à la ferme. Le ramassage prélève le lait des deux traites de la journée. Après filtration, le lait est stocké au froid. Il ne peut pas être écrémé, ni acide9.
La traite des brebis commence 22 jours après l'agnelage11. L'agneau est donc séparé de sa mère, élevé à la poudre de lait ou vendu à un engraisseur. La lactation a lieu pendant six mois, de janvier à fin juin.
LA FABRICATION DES PAINS
G
Un lait qui n'est pas conforme au décret ne peut pas pénétrer dans un atelier de fabrication de roquefort.
Le fromage provient de laits crus de brebis non normalisés en protéine et matière grasse et mélangés car provenant de différents éleveurs-producteurs de lait. Il peut être filtré pour éliminer les particules d'impureté9 mais la microfiltration est interdite. Elle ôterait au lait des micro-organismes responsables de l'évolution de ses arômes en cave.
Le lait est réchauffé entre 28 et 34 °C pour l'emprésurage. Ce dernier doit être pratiqué sur des stocks de lait issus de traite de moins de 48 heures. À ce stade, le lait est ensemencé avec des spores d'un champignon microscopique : penicillium roqueforti. Chaque cave doit avoir une petite partie réservée à la conservation de sa souche de moisissure dans un microclimat favorable9.
Une fois coagulé, le caillé est découpé et brassé. Il est mis dans des moules sur des tables d'égouttage sans pressage. Après démoulage, un ensemencement de surface peut être effectué (non obligatoire) et la fourme est salée au sel sec (pas de bain de saumure)9.
Avant l'affinage, le fromage est piqué : le fromage est transpercé par des aiguilles pour aérer l'intérieur et favoriser le développement de la moisissure. Cette opération a lieu à la fromagerie ou à la cave, 48 heures maximum avant le début de l'affinage. (exception faite lors des jours fériés9)
L'AFFINAGE
H
L'affinage est circonscrit à la seule commune de Roquefort-sur-Soulzon et même limité à la zone des éboulis de la montagne du Combalou longue de 2 km sur 300 m de large. En effet, l'affaissement de la falaise a créé des cavités naturelles à la température et l'hygrométrie bien précise. Une ventilation naturelle est assurée par des fissures dans la roche : les fleurines. Ce sont ces caractéristiques qui donnent la particularité des caves de Roquefort.
Le fromage doit rester au moins 14 jours en cave. Il est affiné sur des lattes de bois le temps nécessaire au bon développement de la moisissure. Après avoir été enveloppé dans une feuille d'étain par une cabanière (cavetière) ou, aujourd'hui, une machine spéciale, une lente maturation a lieu sous atmosphère privée d'air pour arrêter le développement du penicilium, stocké dans des entrepôts réfrigérés9. La température maîtrisée permet de « piloter » la maturation. La période de lactation des brebis n'étant que de six mois, le ralentissement de maturation de certains stocks permet de livrer à la consommation un roquefort toujours à peu près au même stade d'affinage.
L'affinage, la maturation, le découpage et l'emballage final doivent être pratiqués dans la commune de Roquefort-sur-Soulzon. Les fromages entiers ou découpés doivent porter sur l'emballage la mention « appellation d'origine protégée roquefort »9
LE FROMAGE
Le roquefort est un fromage à pâte persillée avec un poids moyen de 2,7 kg se présentant sous la forme d'un cylindre de 19 à 20 cm de diamètre. Il est de couleur blanc crème ou ivoire à l'extérieur ; la surface peut suinter légèrement. À l'intérieur, sa couleur ivoire est persillée de moisissures. Leur couleur peut être majoritairement grise, bleue ou verte.
À la consommation, il offre une structure friable à crémeuse. La période de consommation idéale s'étale d'avril à octobre après un affinage de 5 mois.
Il doit être conservé dans son emballage d'origine ou dans un papier aluminium afin de le préserver du dessèchement et placé au fond du réfrigérateur ou dans une cave fraîche. Afin de lui permettre de donner tout son potentiel organoleptique, il est conseillé de le chambrer environ une heure avant la consommation et de lui éviter les brusques changements de températures12.
Depuis une vingtaine d'années la gastronomie locale s'est vue gratifiée d'un grand nombre de recettes à base de roquefort, allant des salades aux sauces pour la viande en passant par les pâtisseries salées : tourte, quiche, feuilleté…12
LES MARQUES COMMERCIALES
Société des Caves et des Producteurs Réunis de Roquefort13 fondée en 1842
(Société - Société 1863 - Cave Abeille - Cave Baragnaudes la délicatesse - Baragnaudes des Fées - Louis Rigal - Maria Grimal - Cave des Templiers - la Cave Blanche - Roquebelle - Marival)
Production : 13 400 tonnes (juin 2007)14
Fromageries Papillon depuis 190615
(Papillon Taste Fromage - Papillon Tradition - Papillon Révélation - La Coccinelle)
Production : 1 800 tonnes (mai 2011)16
Etablissements Gabriel Coulet S.A. depuis 187217
(Gabriel Coulet - Castelviel - Cosse Noir - La Petite Cave)
Production : 1 800 tonnes18
Les Fromageries Occitanes
(La Pastourelle - L'Arbas)
Entreprise Vernières Frères
(Vernières - Vernières Black Label - Cave Indépendante)
Production : 1 300 tonnes (juillet 2013)19
S.A.R.L. Yves Combes depuis 192320
(Le Vieux Berger)
Production : 150 tonnes21
Etablissements Carles depuis 1927
(Carles)
Production : 240 tonnes (février 2012)22
LES ORGANISMES OFFICIELS
I
La Fédération régionale des éleveurs de brebis a été fondée en 1922. Elle élit neuf représentants23. La Fédération des syndicats des industriels de roquefort a été fondée en 1926. Elle élit aussi neuf représentants23.
La Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de roquefort est gérée par le conseil d'administration formé du collège des 18 représentants des deux syndicats23. Cette confédération assure la défense et la promotion du roquefort, coordonne les relations entre producteurs et industriels, gère des services techniques d'appui auprès des éleveurs ainsi que des études et recherches et finance les analyses sur la composition et la qualité du lait.
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REFERENCES
1 ↑ Voir le Décret du 22 janvier 2001 relatif à l'appellation d'origine contrôlée Roquefort (legifrance) [archive]
2 ↑ a, b et c Fiche du Roquefort sur le site de l'INAO [archive], consulté le 25 décembre 2009.
3 ↑ Les origines du roquefort : la légende [archive] sur le site roquefort.fr, consulté le 27 février 2010.
4 ↑ Nos ancêtres les Rutènes sur le site du département de l'Aveyron [archive], consulté le 25 décembre 2009.
5 ↑ La France aux 400 fromages [archive], professeur JP Dulor, Agropolis muséum, 30 octobre 2002.
6 ↑ a et b Histoire du Roquefort AOC sur le site de Univers-fromages [archive], consulté le 25 décembre 2009.
7 ↑ (en) KazukoMasui, Yamada Tomoko, French Cheeses, Dorling Kindersley, 1996 (ISBN 0-7513-0896-X), p. 178
8 ↑ a, b et c Histoire du Roquefort sur le site Roquefort.fr [archive], consulté le 25 décembre 2009.
9 ↑ a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k et l Décret d'appellation roquefort [archive] sur le site Légifrance.gouv
10 ↑ Ancien décret d'appellation du 1er janvier 1987
11 ↑ http://www.aveyron.com/artisan/ensilage.html [archive]
12 ↑ a et b Gastronomie du roquefort sur le site roquefort.fr. [archive] Consulté le 25 décembre 2009.
13 ↑ a, b et c http://www.roquefort-societe.com/societe-des-caves [archive]
14 ↑ http://www.aveyron-expansion.fr/fr/newsletter/newsletter_n19/newsletter_n19.htm [archive]
15 ↑ http://www.professionfromager.com/Papillon.html [archive]
16 ↑ a, b et c http://www.aveyron-expansion.fr/fr/newsletter/newsletter_n61/newsletter_n61.htm [archive]
19 ↑ /http://www.roquefort-vernieres.fr/fr/roquefort/les-caves-de-roquefort.html [archive]
20 ↑ http://www.le-vieux-berger.com/LeVieuxBerger_historique.awp [archive]
21 ↑ http://www.professionfromager.com/Yves-Combes.html [archive]
22 ↑ a et b http://www.aveyron-expansion.fr/fr/newsletter/newsletter_n68/newsletter_n68.htm#entrepreneurs [archive]
23 ↑ a, b et c Fonctionnement de l'interprofession sur le site roquefort.fr [archive], consulté le 25 décembre 2009.
REFERENCES PHOTOS
A Roquefort - lefigaro.fr
B La bergère et le laquais, William H. Hunt (1851) - artdosug.ru
C Pline l'Ancien - fnac.com
D Charlemagne - france-pittoresque.com
E Denis Diderot - age-des-celebrites.com
F Brebis Lacaune et son agneau - lafermedesaubracs.com
G Marquage - papillesetpupilles.fr
H Une cave d'affinage du roquefort - decouvrir.blog.tourisme-aveyron.com
I Confédération Générale de Roquefort - techovin.com